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MESSAGES A UN AMI

Olivier G.

2007




Une soirée d’automne grise et pluvieuse, un peu après vingt heures, Frank Derose était sur le point de rentrer chez lui. Encore quelques coup de pédales et je pourrai enfin me sécher et souffler se dit-il. Longues, répétitives, sans surprises, telles sont mes journées à l’école My Thee pensa-t-il en ouvrant la porte de son appartement. Est-ce vraiment le travail de ma vie comme il m’était arrivé de l’imaginer. Après ce qui c’est passé cet après-midi tout ne sera sans doute plus comme avant certes mais qu’importe, il est temps à présent de préparer mon départ se dit-il encore en déposant sa veste sur le rebord d’une chaise du salon. En poursuivant à ruminer ses soucis professionnels, Frank Derose se dirigea vers la cuisine et se mit à préparer quelques pâtes. Quelques minutes plus tard, au moment précis où il jeta quelques nouilles dans l’eau bouillante, la sonnerie de la porte d’entrée retentit. Frank Derose descendit et ouvrit la porte à un homme vêtu de noir accompagné d’une femme et de deux autres hommes vêtus de noirs eux aussi.
-Bonjour monsieur Derose, mon nom est Vince Soley du Ministère de l’Intérieur. Mon devoir est de vous poser quelques questions.
-Encore ? Ecoutez, je crois que vous avez déjà retiré de moi tout ce que pouviez en tirer. Plus, je ne pourrais vous dire lui répondit Derose visiblement agacé.
-Je ne plaisante pas Monsieur Derose. Je dois vous interroger. Vous savez ce qui vous attend au cas où vous ne vous montreriez pas coopératif lui répliqua Soley.
Sans dire un mot, Frank Derose fit rentrer Vince Soley et les trois autres personnes et les fit monter dans son appartement.
-Ah Monsieur Derose, vous n’avez pas changé, vous n’habitez plus le même appartement certes, mais c’est toujours le luxe chez vous. C'est pour le moins vaste comme appartement pour un homme comme vous dit Soley en franchissant la porte de l’appartement.
-Ecoutez Monsieur Soley, j’occupe l’appartement qui me plaît, c’est mon affaire. Cela ne regarde que moi dit Derose sous un ton de plus en plus excédé.
-Du calme Monsieur Derose, du calme, et puis rassurez-vous, tel n’est pas l’objet de ma visite. Pardon, pouvons-nous nous asseoir demanda Soley.
-Oui, oui dit Frank Derose d’une petite voix.
-Venons-en aux faits. Vous travaillez à l’école My Thee lança Vince Soley.
-Je ne peux rien vous cacher répondit Derose.
-Et un certain Olivier G. est votre patron demanda Soley.
-Exact dit encore Derose nonchalamment. Mais peut-être souhaitez-vous boire quelque chose quoique je n’aie plus que… Attendez que je regarde dit Derose en se dirigeant vers la cuisine.
-Faites à votre aise, faites à votre aise lui dit Soley.
-Et bien à vrai dire, je n’ai plus qu’un peu de jus d’ananas dit finalement Derose en s'excusant presque.
-Et bien versez-nous un peu de ce jus d’ananas lui répondit dit l’homme du Ministère de l’Intérieur.

Quelques secondes plus tard, l’homme de l’appartement apporta quelques verres, versa du jus d’ananas à ses visiteurs et s'assit dans un petit fauteuil en face de Soley.
-Merci bien Monsieur Derose. Je vous l'ai dit je ne me suis pas déplacé ce soir sous ce climat misérable pour plaisanter. Je suis venu pour... dit Soley qui soudainement semblait hésitant.
-Pourquoi donc êtes-vous venu demanda alors Derose.
-Et bien d'abord, pour parler de votre patron, ou plutôt pour évoquer la relation que vous entretenez avec lui. Un certain Olivier G. si je ne me trompe.
-C'est exact, Olivier est mon patron, c'est un ami aussi.
-Bien, bien, et cette relation entre vous et votre patron-ami était-elle toujours au beau fixe ces derniers temps demanda Soley.
-Heu, c'est à dire, utiliser une telle expression serait exagéré. Il y avait quelques nuages, je dois l'admettre.
-Ah... et de quels ordres si vous me permettez demanda Soley.
-Et bien pas plus tard que cet après-midi nous nous sommes disputés.
-A quel sujet demanda l’homme du ministère de l’intérieur.
-Je lui avais fait part de quelques doutes sur ma motivation quant à la poursuite de ma collaboration au sein de son école.
-Au sein de SON école dites-vous, je pensais pourtant que son école, c’était un peu la vôtre aussi, vous avez porté ce projet à bras le corps, vous avez été une de ses chevilles ouvrières poursuivit Soley.
-Oui, précisément et c’est bien cela… Cela fait maintenant quelques années qu’Olivier a lancé cette école et me voilà à présent coincé dans un rôle de secrétariat. Cela n’a rien de captivant et puis je me suis rendu compte que l’enseignement ne me convenait pas. De plus, j’ai demandé que juste rétribution me soit accordé en fonction de mes efforts et... Je lui ai donc fait part de tous ces doutes cet après-midi répondit Derose.
-Comment a-t-il réagi demanda l’homme en noir.
-Mal, très mal. Mais indépendamment de ce que je viens de vous dire, avoir Olivier G. comme patron n’est pas non plus chose aisée..
-Sa personnalité voulez-vous dire enchaîna Soley.
-Oui… Précisément.
-Vous aimiez répéter que c’était votre ami mais en même temps vous l’avez en effet qualifié tour à tour de lunatique, d’hypocondriaque, d’égocentrique, de colérique reprit encore Soley.
-Vous êtes bien informé, c’est exact, il est un peu tout cela à la fois. Mais que font vos hommes demanda Derose en se levant en direction de la fenêtre du salon.
-Il doivent prendre un échantillon de votre vitre car voyez-vous Monsieur Derose, votre ami Olivier G., a été retrouvé la gorge tranchée cet après-midi dans les locaux même de l’école My Thee répondit Soley en haussant soudainement la voix.
-Pardon dit Derose visiblement étonné. Vous plaisantez ?
-Je vous l'ai dit, je ne plaisante pas. La gorge tranchée vous dis-je par une vitre semble-t-il. Plein de petits débris de verres ont en effet été retrouvés dans ce qui restait de sa gorge rétorqua Soley en réajustant ses lunettes. Mes hommes doivent donc comparer le verre de la fenêtre de votre salon avec celui qui a tranché la gorge d’Olivier G. D'ailleurs, votre vitre n'a-t-elle pas été brisée récemment ajouta-t-il.
-Mais c’est effroyable, effroyable répondit Derose en prenant sa tête dans sa main. Non, écoutez, je ne peux pas y croire, vous plaisantez, ce n’est pas possible.
-Combien de fois dois-je vous le dire que je ne plaisante pas. A l’heure où Monsieur G. a été assassiné, vers 17 heures vous y étiez encore à l'école n'est-ce pas demanda Soley.
-Oui, j'y étais encore, c'est exact mais écoutez, c’est ridicule. Comment pouvez-vous imaginer que je sois capable d’une chose pareille. Oseriez-vous m’accuser d’un meurtre ? De plus, il commence à faire froid et bien humide, ma fenêtre doit impérativement être fermé. Ma gorge est déjà si fragile dit encore Derose tout en restant debout à côté de la fenêtre.
-Monsieur Derose, votre ami a eu la gorge tranchée cet après-midi et vous osez vous plaindre de vôtre petite gorge fragile. Comment osez-vous dit Soley visiblement fâché. Je ne vous accuse de rien du tout, mais ne vous inquiétez pas pour votre fenêtre, un endroit est tout prêt pour vous. Veuillez nous accompagner ajouta l’homme en noir.
-Mais il n’en est pas question. Comment osez-vous répliqua Derose. Heu... excusez-moi mais j'ai quelque chose sur le feu dit encore Derose en se dirigeant vers la cuisine.
-Ne vous débinez pas Monsieur Derose. Ce qui est sûr, c’est que vous avez encore bien des choses à nous dire. Nous parlerons de cela dans un autre endroit, sans jus d’ananas je le crains conclut Soley en redéposant son verre de jus sur la table de salon et en se levant.

Vince Soley avait à peine fini sa phrase, que son assistante Daisy, menotta Frank Derose sans qu’une fois encore il ne puisse offrir la moindre résistance, ni même sortir ses nouilles en train de cuire. Mais où m’emmenez-vous demanda-t-il alors que son visiteur et ses assistants le conduisèrent manu militari dans une petite camionnette. Ne posez pas trop de questions Monsieur Derose lui dit Soley, nous aurons tout le temps de discuter de tout cela en détails plus tard. Dans le trajet menant Frank Derose à la section Sécurité du Citoyen du ministère de l’intérieur, le nouveau captif de Soley lui demanda encore si il allait être à nouveau torturé. Vince Soley lui répondit que cela ne relevait pas de sa compétence d’en décider.