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MANCHESTER

Petites Histoires Mancunienes

2000




LUNDI
MON APPARTEMENT ET MES VOISINS
MARDI
MERCREDI
JEUDI
VENDREDI



LUNDI

Ce matin, en pleine heure de pointe, une tempête de neige faisait rage sur Manchester. Un des résidents de la ville un homme parlant anglais avec un accent français avait emporté dans son sac, "la Tempête du siècle" de Stephen King.

Cette même personne a aussi visité les musée des Juifs de la ville ce dimanche. Ce musée, pendant la visite de cet individu, a vu son alarme antiincendie s'enclencher entrainant l'arrivée de deux camions pompiers et d'une dizaine d'hommes du feu. En vain, aucun feu n'a été détecté. Pendant la visite de l'individu en tous cas.




MON APPARTEMENT ET MES VOISINS

Il faut que je vous parle de ma salle de bain. Dans ma salle de bain se trouve en effet un abat-jour bleu. Ce qui donne une de ces ambiances marines et tamisées, je ne vous dis que ça d'autant plus que se trouve juste au dessus de la toilette un homme ... musclé et doté d'une houpette. Celui-ci veille assis sur sa moto en train de comtempler sa carabine protégeant ainsi le détenteur des lieux au moment où il est le plus vulnérable. L'homme repose sur un sac plastique d'une librairie de BD de Copenhague dans laquelle j'ai été fouiné en septembre dernier. Je me contente de peu moi vous savez pour décorer mon appartement. Sachez aussi que l'on peut lire sur le sac le nom de la librairie "Faraos Cigarer". Je ne connais rien de la langue danoise mais je vous laisse deviner ce que moi aussi j'y ai vu. J'en suis sûr on pense à la même chose. L'homme représenté me semble d'ailleurs une version baroudeur de Tintin.

Comme vous le voyez mon appart., c'est toute une histoire, et encore je ne vous raconte pas mon quartier. J'habite à Whalley Range à deux ou trois miles au sud du centre de Manchester dois-je préciser. Comme voisins, j'ai notamment un jeune homme d'origine pakistanaise si joyeux qu'il n'a pas besoin d'un compagnon pour entamer une conversation. Je le verrais bien cependant tailler une bavette avec une de mes voisines tellement attachée à son imperméable qu'elle le porte même en plein été lorsque la chaleur est caniculaire. Et quand je dis attachée, c'est le terme adéquat vu qu'elle le porte toujours la ceinture bien serrée, capuchon et foulard sur la tête. Comme je l'ai déjà vu au moins 382 fois, il faut croire qu'elle passe son temps à hanter les rues de Whalley Range à moins que ce ne soient ces mêmes rues qui hantent son esprit au point de la rendre incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de passer et repasser ses pieds sur la Clarendon Road, la Manley Road, l'Egerton Road de Whalley Range ou de Chorlton, le quartier voisin et que sais-je encore...




MARDI

Ce matin, j'avais à peine traversé la Princess Road, une grande artère de Manchester à deux fois deux bandes pour rejoindre l'arrêt du bus 101 qu'une Renault Clio quitta sans raison apparente la bande sur laquelle elle roulait à vive allure pour percuter une Jaguar roulant en sens inverse. Le choc fut violent. Inévitablement violent. Une ambulance arriva immédiatement sur les lieux. En vain. Le conducteur de la Jaguar, une homme d'une cinquantaine d'années mourut sur le coup tandis que le conducteur de la Clio, une homme d'une trentaine d'années et le passager, une femme d'à peine vingt ans en sortirent indemnes. La Police du Greater Manchester et un journaliste du Manchester Evening News présents sur les lieux également mènent l'enquête, comment pareille collision a-t-elle pu se produire? Comment le passager et le conducteur de la Clio ont-ils pu s'en sortir sains et saufs malgré la violence inouïe du choc, certains évoquent un miracle... Mais qu'ils sont cons. J'ai dû attendre quatre minutes et cinquante-deux secondes avant de pouvoir traverser. C'était long. Trop long.




MERCREDI

Ce matin, j'ai pris le bus 101, un bus à deux niveaux tout blancs doté de multiples petites taches noires. Une ribambelle de gosses accompagnait mon trajet. Ca aboyait ferme.

Hier soir, j'ai pris un taxi pour rentrer chez moi, un taxi jaune plein de taches noires. Il avait de ses queues, longue mais alors là longue que même les Glaswégiens doivent l'apercevoir de temps en temps. Hep, taxi, houba, houba...

Avant de monter dans le bus, j'ai revu la dame à l'imperméable les deux joues tuméfiées. Elle n'aimait pas les marsupiaux paraît-il.




JEUDI

Ce matin, lorsque la première cuillère de mes céréales était à deux doigts de rentrer dans ma bouche, une voix m'interrrompit.
-Bonjour Vincent.
Saisi par cette salutation inattendue, je me retournai brusquement et dit boujour d'une voix faible à la personne qui venait de me saluer. Je vis derrière moi l'homme musclé de la salle de bain en train d'astiquer sa carabine assis confortablement dans mon canapé.
-Mes excuses mais j'avais besoin de me dérouiller les jambes me dit-il.
Je ne savais pas quoi répondre.
-Heu, heu.. bredouillai-je.
-Mais t'inquiète pas mon pote, je peux surveiller aussi bien ton appart. d'ici que de la toilette ajouta-t-il.
-Heu.. pas de problèmes, pas de problèmes lui dis-je.
Ce qui m'étonnait le plus était qu'il parlait français. Je l'aurais bien imaginé s'exprimant en anglais, danois ou arabe mais entendre le français sortir de sa bouche me semblait si incongru. Il s'exprimait cependant avec un léger accent germanique.
-Tu t'en vas travailler me demanda-t-il.
-Oui, je dois y aller, je dois vous laisser si vous le me permettez lui dis-je encore.
-Bien sûr à plus tard, Vinnie.
-A plus tard, concluai-je. Finalement, je sortis de chez moi en direction de l'arrêt de bus en me disant que je devais être la seule personne de Whalley Range et de Manchester voir d'Angleterre à avoir quelqu'un chez lui muni d'une carabine pour protéger son appartement.




VENDREDI

Ce matin un peu avant huit heures, une femme d'environ vingt-cinq ans entra dans le bus 101 et s'assit entre un adolescent et une autre femme un peu plus jeune qu'elle. En face d'elle, un homme un peu plus âgé lisait un livre écrit dans une langue étrangère. Les yeux de la femme ne quittaient pas la fenêtre par laquelle elle observait le début du jour, arbres nus de fin d'automne sur fond de nuages tantôt noirs tantôt orangés et rouges. De grands yeux verts ressortaient nettement de son visage rond rougi par la fraîcheur matinale du mois de novembre. Le baladeur de l'adolescent assis à sa gauche et le portable de la femme installée à sa droite semblaient l'irriter, sans doute perturbaient-ils sa rêverie. A quoi ou à qui pensait-elle, je serais incapable de vous le dire mais ce que je sais, c'est qu'à un certain moment, le bus tourna brusquement, ce qui permit au soleil d'y pénétrer et d'éblouir la femme et ses deux voisins. Au même moment, une carte postale que tenait l'homme au livre tomba. La femme la ramassa et la rendit à l'homme en souriant. C'était très beau.